lundi 6 juin 2011

Zen city - Grégoire Hervier

Zen City de Grégoire Hervier

ED. AU DIABLE VAUVERT, JANV. 2009


Bienvenue à Zen City : la Ville Transparence. Dans un cadre idyllique pyrénéen, un concepteur eu l’idée géniale de bâtir en 2003 une ville novatrice au sein de laquelle les cadres peuvent travailler sereinement - tout est fait pour satisfaire leur bien-être - en étant à la pointe de la compétitivité. Avec des salaires aguicheurs. En somme, c’est le Pérou !
Jusqu’à ce que le sang coule...
Deuxième roman d’un jeune auteur français prometteur.

Dominique Dubois, un cadre moyen parisien vient de se faire licencier. Il tombe par hasard sur une annonce intitulée « Global Life ». Il passe une série de tests qui vont le mener jusqu’à l’embauche. Il occupe le poste de statisticien et analyste de données en marketing.

Les habitants de Zen City possèdent un appareil révolutionnaire : le PerfectPhone. Il s’agit d’un smartphone multimédia muni d’un GPS et d’une caméra vidéo. Ils ont tous également sous la peau de la main une puce d’identification par radiofréquence. Où qu’ils se rendent dans la cité ils peuvent être localisés : Circulez, vous êtes pistés !
A plus grande échelle, c’est Zen City qui est entièrement sous surveillance. Jusqu’à l’intérieur des appartements. Les locataires sont fort heureusement au courant. Sécurité, quand tu nous tiens !
Zen City est une ville prévoyante. En particulier à l’égard de ses consommateurs. En effet au Zen marché - un hypermarché futuriste - l’on peut faire ses achats sur commande puisque le magasin « physique » est dépourvu de stock. Ainsi on déambule dans les allées et on clique sur les produits que l’on souhaite acheter puis nous sommes livrés à domicile.

Pour tromper son ennui affectif, ses dirigeants ont dégoté à Dubois une compagne proche de ses goûts. C’est une lituanienne qui répond au doux nom de Natouchka.

Le temps passe et tout semble aller pour le mieux. Sauf qu’un tragique événement va enrailler cette brillante mécanique.
Par ailleurs, Dominique a, bien malgré lui, fait disjoncter tout son immeuble en branchant un ampli de guitare. Une enquête sera menée. Mais surtout, depuis cet incident électrique, Dominique reçoit des messages d’un mystérieux réseau qui agit contre Zen City. Leur chef, Cypher, est un hacker. Les motivations de cette communauté virtuelle sont lucratives. Cypher va rencontrer clandestinement Dominique et l’intégrer plus ou moins de force à leur réseau. Le jeune cadre va voir progressivement le piège se refermer sur lui...

Zen City possède une forme très spécifique, puisque le récit est une retranscription du blog de Dominique Dubois, son journal intime accompagné des explications a posteriori du drame qu’il a vécu.

« La sécurité est la plus grande ennemie des mortels » [Shakespeare, in Macbeth].

L’un des thèmes récurrents du livre est celui du tout sécuritaire. En premier lieu via la vidéo surveillance. L’inoubliable « Big brother is watching you » orwellien ou encore le comic d’Alan MooreV pour Vendetta. Cette obsession sécuritaire se développe au détriment de nos libertés individuelles. Le philosophe Jeremy Bentham imagina le panoptique : une tour centrale dans laquelle l’on peut voir sans être vu. Les citoyens de la Ville Transparence savent qu’ils sont surveillés. Certains vont jusqu’à se servir du système pour faire surveiller leur nounou et/ou femme de ménage lorsqu’ils sont chez eux. Cette dérive ne choque personne. Au contraire, elle rassure si des délits sont commis [ici un homicide].

Un type de société futuriste peu réjouissant si l’on s’y attarde un peu. Certes, un très grand confort, une aisance financière, une vie sécurisée. Que demander de mieux ? Mais qu’en est-il de la vie privée ? De cette administration qui nous déshumanise ? De cette manipulation machiavélique pour orienter les choix des consommateurs ? Verra-t-on l’avènement d’un homme robotique ? Ce qui serait une sorte de revirement vis-à-vis de la machine humanisante...

Zen City est un thriller futuriste décoiffant, qui nous fait frissonner et nous maintient en alerte. L’être humain ne doit pas se laisser manipuler, ne doit pas être influencé par les hautes instances qui tentent de restreindre nos libertés individuelles et collectives sous couvert d’une plus grande sécurité.
Grégoire Hervier invite à réfléchir sur l’évolution de nos sociétés industrielles et en particulier sur les dérives probables de la consommation à outrance. Et le meilleur moyen d’y parvenir est par exemple de suivre le sage conseil de Timothy Leary : "Il faut penser au lieu d’être pensé".

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