lundi 6 juin 2011

La perfection du tir - Mathias Enard

Auteur : Mathias Enard 
Titre : La perfection du tir 
Editions Actes Sud 
Parution : 2003 


« La perfection du tir » est le premier roman de Mathias Enard. Il en a écrit quatre dont le dernier - « Zone » - vient de sortir. 



L’histoire se déroule dans un cadre spatio-temporel non déterminé. Nous savons simplement que c’est une guerre civile. Le lecteur est dans la peau du narrateur, un jeune homme d’environ 20 ans, qui est un tireur embusqué sur les toits. Ses journées sont rythmées par l’attente, l’observation, et l’écoute de ses battements de coeur. Cela fait maintenant trois ans qu’il est tireur. Il appuie sur la détente tout au plus dix fois par jour. Il s’exerce sur des civils et des oiseaux. Le soldat dit à propos de ses victimes : « Ce sont des fantômes, des personnages, des masques qui ne savent rien voir. Je les fais vivre en les regardant, je les anime en les tuant ». 

Sa mère est devenue complètement folle en raison de la guerre. Elle a souvent des crises, fait des cauchemars et la plupart du temps ne reconnaît pas son fils. Par moments dans la journée, elle s’assoit dans son fauteuil, le regard vide, murmurant des propos incompréhensibles. Le soldat engage une adolescente de 15 ans, Myrna, pour s’occuper d’elle. Cette jeune femme qui habitera à son domicile, va lui faire perdre la tête. Elle s’exprime très peu, reste indifférente lorsqu’il lui prend la main au cinéma ou lors de leur promenade sur la plage. 

En effet, peu de temps après son installation, il surprend depuis le balcon Myrna se déshabiller. Son désir va alors s’intensifier et il ne voudra qu’une seule chose : la posséder. La guerre se poursuit, entre bombardements et période de cessez le feu. 

Son quotidien va basculer lorsque Myrna va quitter sans prévenir la maison en laissant ses affaires. Il envisage un accident avant de soupçonner la tante de Myrna qui habite dans un village sur la montagne… 



Ce court roman est déroutant. A l’instar de « Le chemin des âmes » de Joseph Boyden, on assiste à l’ascension d’un tireur qui peu à peu se déshumanise pour devenir une machine à tuer. Le soldat abat des civils sans la moindre émotion. Il est fier de lui lorsqu’il fait mouche puisque, à ses yeux, cela signifie qu’il progresse. C’est un perfectionniste, reconnu comme tel. De plus, il n’éprouve aucun sentiment à l’égard de sa mère allant presque jusqu’à l’ignorer. Son mental se détériore avec l’arrivée de Myrna. Des rumeurs circulent sur la relation malsaine qu’il entretient avec elle. 
On voit poindre la chute du soldat de manière différente que dans le roman de Boyden où la morphine en est l'un des vecteurs. Là c’est cette adolescente désirable, conjugué à l’absurdité de cette guerre interminable. Bien qu’étant présente physiquement parlant, Myrna est semblable à une marionnette. Elle brille par son absence de paroles à l’égard du soldat, sans doute parce qu’elle n’est pas dupe et connaît ses intentions. 
Les dernières pages du livre sont d’une grande beauté et en même temps très violentes.

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