lundi 6 juin 2011

Vers la poussière - Jean-Louis Bailly

Auteur : Jean-Louis Bailly 
Titre : Vers la poussière 
Edition : L’arbre vengeur 
Parution : octobre 2010 


Jean-Louis Bailly est né en 1953. Il vit à Nantes où il enseigne les Lettres. On lui doit une poignée de romans et des textes plus ambitieux comme ce récit par holorimes « Des gars jurent des gageures » ou ce lipogramme versifié « La chanson du Mal-aimant », transcription de la Chanson du Mal-aimé, sans utiliser la lettre « e ». 


Paul-Emile Loué vit une enfance sinistre, dépourvue de loisirs. Son physique ingrat le contraint à la solitude, délaissé par ses camarades de classe. Il apprend laborieusement à lire. Ce pour quoi il est fait va se révéler au grand jour alors qu’il se met à jouer au piano, dans le cadre d’une activité scolaire. Sa dextérité impressionne. Les mots « don », « génie », « miracle » se répondent parmi les adultes présents. « Sa laideur [est] toujours là mais enveloppée dans une beauté qu’il ne se savait pas capable de susciter ». 
Très vite, Paul-Emile souhaite prendre des leçons de piano. Son talent brut lui vaut même le luxe d’avoir un piano de premier choix, loué par son bienveillant professeur, fier de lancer la carrière ô combien prometteuse de cet artiste en herbe. 
Le temps fait son chemin, tout comme les progrès du jeune prodige. Lauréat de plusieurs concours, ceux-ci lui apporte la célébrité… et la reconnaissance des femmes, qui se bousculent au portillon. 
Mais tout à une fin, et l’amour intéressé est souvent synonyme de trahison. Là où quelques temps plus tôt le public ne tarissait pas d’éloges sur la profondeur de ses prestations scéniques, assiste à l’engoncement de leur idole dans un comportement fantasque et lunatique, pour y voir poindre les prémisses de la folie… 



L’originalité du roman « Vers la poussière » tient du fait qu’il narre d’une part la vie d’un pianiste de génie jusqu’à sa mort, cette « solitude la mieux partagée du monde » et d’autre part celle de son cadavre. Ce macchabée paradoxalement on ne peut plus vivant, puisque grouillant de vers, de larves, de mouches et autres coléoptères, qui se penchent sur ce festin mortuaire avec délectation. Ici il est donc plus question d’entomologie que de thanatopraxie, cette dernière consistant à préserver le défunt corps de sa décomposition naturelle. Les descriptions cliniques s’échelonnent de la loi de Nysten (étapes de la rigidité), en passant par la lividité cadavérique, la putréfaction, la liquéfaction noirâtre, jusqu’à la poussière. 

Servit par une plume élégante, à la fois touchant et non dénué d’humour, « Vers la poussière» est un voyage subtil qui tend à vivifier et à tonifier la mort au lieu de la diaboliser. Sans être un chef-d’œuvre, ce court roman vous fera passer un très bon moment.

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