Auteur : Edgar Hilsenrath (Allemagne)
Titre : Le nazi et le barbier
Parution : 2010 (VO, 1972)
Editions Attila
Nous sommes dans les années 2O, en Allemagne, à Wieshalle. Max Schulz est un aryen. Il suit sa mère, lâchée par les cinq pères « probables » de Max (on ne saura jamais lequel est le véritable), chez le coiffeur polonais Slavitzki. En dépit d’un physique repoussant, son énorme bite fait office de compensation. En face du salon de coiffure de son nouveau beau-père habite la famille juive des Finkelstein. Les talents de coiffeur du juif sont nettement supérieurs au polonais, et les gens ne s’y trompent pas.
Le temps passe. Max et le fils Itzig qui ont le même âge deviennent comme cul et chemise. Ils vont jusqu’au lycée ensemble puis exercent leur formation de coiffeur tout deux auprès du brillant Finkelstein. Ce qui a le don de mettre en rogne le beau-père de Max.
Le début des années 30 voit l’ascension d’un certain Adolf Hitler, admiré par Slavitski qui cultive son antisémitisme naissant. Puis un jour, Hitler débarque dans leur ville - Wieshalle – pour un discours. Des milliers de personnes sont présentes. Le lendemain, Max et son entourage rejoignent le parti du « fils de la Providence ». Ils détruisent la boutique du juif et dessinent des croix gammées ainsi que des queues de cochon sur les murs et les miroirs.
Après la nuit des longs couteaux, Max Schulz s’engage dans les SS. Plus tard, il joue un rôle considérable dans le camp de Laubwalde, en exécutant des milliers de juifs.
Voyant la défaite allemande se profiler, le génocidaire opte pour le camp des vainqueurs, celui des juifs, comme il se plait à l’appeler. Pour échapper aux traqueurs, quoi de plus subtil que d’endosser l’identité d’un juif ? D’un juif que l’on connaît sur le bout des doigts ? Comme son ami d’enfance Itzig Finkelstein ? Bingo. D’autant plus que la famille Finkelstein a été exterminée à Laubwalde…
« Le nazi et le barbier » dresse le portrait déroutant d’un homme qui, bien qu’ayant des amis juifs, se retourna contre eux, contribuant à la boucherie des camps de la mort. Il tua tellement de personnes qu’il fut incapable de les dénombrer, si ce n’est d’en donner une fourchette. La force d’Hilsenrath pour traiter d’un sujet aussi pesant est d’utiliser l’humour (souvent noir et grinçant) comme arme afin de dédramatiser les situations. Il nous tord les tripes tout en parvenant à nous faire sourire grâce à une plume malicieuse et des dialogues délirants. L’aspect satirique et iconoclaste se poursuit avec un basculement identitaire (du statut de bourreau à celui de victime qui luttera pour la résurrection du peuple juif). La question qui se pose tout le long du récit est la suivante : Max Schulz va-t-il s’en tirer aussi à si bon compte ? La réponse n’est probablement pas celle que vous imaginerez. Une lecture hautement recommandable.
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