lundi 6 juin 2011

Plop - Rafael Pinedo

Auteur : Rafael Pinedo (Argentine) 
Titre : Plop (VO, Plop) 
Parution : janvier 2011 (VO, 2002) 
Editions L’Arbre vengeur 




On sait peu de choses sur Rafael Pinedo, écrivain argentin qui nous a quitté en 2006. Informaticien et acteur, ce n’est qu’aux alentours de ses quarante ans qu’il reprit sérieusement la plume, pour nous fournir des nouvelles et quelques romans. Celui qui nous intéresse ici, Plop, obtint le prix « Casa America » en 2002. 


Plop est né dans la boue, alors que le Groupe arrivait à un nouveau camp. Sa mère, la Chanteuse, perdit la parole en le voyant juste après l’avoir mis au monde. Elle l’allaita avec désamour, préférant le renier à jamais. Quelques mois plus tard, confronté au comportement cathartique de la maman, le Groupe décida de la recycler. Ce qui signifie qu’elle a été dépecée ; ses morceaux de corps furent distribués aux autres membres de la Brigade. Le bambin a choisi un fémur pour en faire une flûte (qu’il ne façonnera pas). Du coup, c’est la vieille Goro qui le prit sous son aile. C’est elle qui l’a nommé ainsi, Plop. Comme le bruit de sa chute à même le sol boueux, lorsqu’il naquit. 
Plop fit son chemin et découvrit les tabous (par ex. ne jamais ouvrir la bouche en mangeant, ne pas tirer la langue, etc.) et les coutumes (comme la danse rituelle appelée Karibom). Parfaitement organisé pour assurer au mieux la survie du groupe, chaque individu était soumis aux règles. Il n’y avait aucun passe droit. Pour preuve, la déviante et perverse épouse du Commissaire de la Brigade fut prise en flagrant délit en compagnie de sa proie, Plop, transformé en objet sexuel pour satisfaire tous ses désirs. Ce crime la condamna au recyclage, quant-à son mari, ne pouvant ignorer ses transgressions, il servit d’appât pour la chasse aux chiens. Il mourut assez rapidement. 
Plop continuait à gravir les échelons au sein de la Brigade, jusqu’à en prendre le pouvoir… 


« Plop » se déroule dans un espace-temps indéterminé. Les habitations ont disparu, seules quelques forteresses - ces lieux d’échanges – trônent ici ou là. C’est en ces rares endroits de survie que les différents Groupes/Brigades négocient afin d’obtenir de quoi manger. Ces dons-contre dons sont particulièrement odieux puisque les Brigades offrent les individus les plus faibles, qui malades, qui blessés, qui simplets, pénalisent et freinent l’avancée du Groupe durant les migrations. Les forteresses les donnent à manger aux porcs. La loi du plus fort règne. Mais un jour, un membre décide de s’occuper d’un bébé mongolien. Il s’attire aussitôt les regards torves de ses compagnons, qui considèrent l’enfant comme une « chose » ou comme un « morceau de viande baveux ». Tant de mépris à l’égard de l’être humain n’est sans doute pas sans rapport avec la disparition du concept familial. En effet, pour les plus jeunes, le mot « famille » est dépourvu de sens. Les anciens le jugent tout bonnement archaïque. 
Le Groupe auquel appartient Plop est scindé en plusieurs sections : Services, Récréations, Commandement, Volontaires. Chacun est susceptible d’évoluer ou de régresser dans l’échelle sociale. De même, quiconque le souhaite peut changer de Groupe, s’il est accepté dans celui qu’il convoite. 
A signaler que par moments, les tournures de phrases sonnent étrangement, pour d’autres, il manque un mot. Nous prendrons un exemple frappant p90 : « Ce n’est que lorsqu’il s’est retourné qu’il a remarqué que les curieux. Est-ce qu’ils avaient entendu, il a hésité ». No comment. 
Revenons au texte. Pinedo parle de Plop à la troisième personne du singulier. Nous sommes pour ainsi dire constamment en dehors de ses pensées. 
Les chapitres très succincts s’enchaînent. Les phrases sont elles aussi courtes, ce qui donne par moments l’impression que le style est heurté, qu’il manque de fluidité. Mais ne vous y trompez pas, en dépit de ces quelques failles, le roman se lit d’une traite. Sa dimension sociologique est particulièrement intéressante, et le ton cru et décapant colle parfaitement aux conditions de (sur)vie de Plop et de son Groupe. 


Âpre, violent et dérangeant, Rafael Pinedo nous offre une œuvre à la puissance évocatrice saisissante. Ce retour à l’âge barbare fait véritablement froid dans le dos, et donne à réfléchir. On regrettera tout au plus la maladresse du style qui entache (légèrement) notre enthousiasme. Saluons donc la trouvaille de ce petit éditeur, en l’invitant à poursuivre leur travail de défrichage dans cette voie.

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