mercredi 3 août 2011

Anthropologie de la douleur - David Le Breton

Auteur : David LE BRETON 
Titre : anthropologie de la douleur 
Edition : Métailié 
Parution : 2006, première édition 1995 


Introduction 

L’appréhension de la douleur est unique. Elle varie en fonction de l’époque, du pays, de la culture, de l’éducation de l’individu. Elle est intime donc mais elle est aussi imprégnée de social et de relationnel. Le rapport au monde de l’individu et son expérience à son égard conditionne ses affects vis-à-vis de la douleur. 
L’auteur a tenté de saisir la construction sociale et culturelle de la douleur, au-delà de la dimension biologique et comprendre la signification qu’il lui donne. 


Expériences de la douleur 

Dans la vie de tous les jours, l’homme est constamment pris dans la routine (ritualités sociales et répétition des situations proches les unes des autres), n’ayant pas de pépins physiques. Dès lors qu’une douleur surgit, celle-ci lui rappelle son enracinement physique et la fragilité de son corps. La douleur induit un renoncement partiel à soi allant jusqu’à un désintérêt de la vie quand la souffrance persiste. En temps normal, l’individu se doit de garder la face, mais ce mal lui fait opter pour des comportements autres comme des pleurs, des plaintes, des grimaces, etc. La douleur paralyse l’activité de la pensée, elle pèse également sur le jeu du désir. Le souffrant envie ceux que la douleur épargne. Selon l’auteur, la douleur aiguise le sentiment de solitude, elle contraint l’individu à une relation privilégiée avec sa peine. L’homme qui souffre se retire en soi et s’éloigne du monde. 
Le malade se sent inutile lorsqu’il est dépendant d’autrui et plus encore lorsqu’il sent une gène ou une indifférence de l’équipe soignante. Il a le sentiment d’être un poids. Si la douleur est omniprésente, intolérable et condamnée à subsister, l’envie de mourir du patient va s’intensifier. Soit il va se suicider, soit il refusera de prendre ses médicaments, dans le cas où aucun espoir n’est possible, le seul recours sera l’euthanasie. 


Aspects anthropologiques de la douleur

La douleur n’est pas un fait physiologique, mais un fait d’existence. Ce n’est pas le corps qui souffre mais l’individu en son entier. 
Certaines personnes recherchent la douleur comme par exemple les masochistes qui sont en quête d’une jouissance incluant la mise en danger de l’intégrité physique (fouets, scarifications, coups…). Elles éprouvent du plaisir par identification aux tortures infligées aux autres. D’autres ne ressentent aucune douleur et demeure souriant ou impassible aux blessures. C’est dû au non investissement, à une relation d’extériorité avec leurs sentiments et leur corps. Elles s’automutilent, s’enfoncent des objets dans les yeux, parfois par curiosité devant cette asymbolie à la douleur. 
Le corps est avant tout une structure symbolique. 


La construction sociale de la douleur 

Une douleur identifiée à une cause, à une signification, est plus supportable qu’une douleur restée dans le non-sens, non diagnostiquée, non comprise par l’acteur. En effet, comprendre le sens de sa peine est une autre manière de comprendre le sens de sa vie. Toutes les sociétés humaines, nous dit Le Breton, intègrent la douleur dans leur vision du monde en lui conférant un sens, voire une valeur. 
La douleur n’est pas en proportion de la gravité de la lésion. Le mal est parfois indolore, comme par exemple une atteinte au cerveau. Les conséquences peuvent être bien pires qu’une chute en vélo par exemple (même si elle peut aussi être mortelle). 


La douleur infligée 

La torture, souvent usitée pour obtenir des renseignements politiques, n’a de bornes que l’imagination des tortionnaires. Elle vise à briser le sentiment d’identité de la victime. En l’humiliant, en la traitant comme un vulgaire objet, on la déshumanise. Elle devient in-humaine, et par-là même condamnée au néant par ses bourreaux. 
Les torturés qui en réchappent ont des séquelles souvent à vie. Le traumatisme est ancrée dans la mémoire et dans le corps, en effet celui-ci se souvient. Certains sons, les contacts corporels, la vue du sang sont difficilement supportables pour le supplicié lui rappelant les conditions de sa détention. Dépression, ulcères gastriques, insomnies, maux de tête, autant de blessures qui coupent le désir de vivre. 
Pour la torture et de manière globale pour toute personne souffrante, c’est par la parole attentive, l’écoute, le contact physique, la douceur, que se restaure progressivement le goût de vivre. Soigner, c’est d’abord prendre soin. Aux yeux de l’auteur, le soulagement efficace de la douleur, parce qu’il implique simultanément une action sur la souffrance, sollicite une médecine centrée sur la personne et pas seulement sur des paramètres biologiques. 

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