mardi 9 août 2011

L'adieu à l'automne - S.I. Witkiewicz

Auteur : S.I. WITKIEWICZ (Pologne)
Titre : L’adieu à l’automne
Parution : 1991 (VO, 1927)



« Les 622 chutes de Bongo » fut le premier roman d’un des auteurs les plus marquants de la littérature polonaise (1910, mais publié à titre posthume). Il faudra attendre plus de quinze ans pour voir publier son seconde roman en 1927 : « L’adieu à l’automne ». Cette œuvre très dense et ambitieuse s’avère être l’une des plus abouties de l’auteur.



            Le personnage principal du roman (Athanase) est un jeune homme d’environ 28 ans, issu d’une famille modeste, pour ne pas dire pauvre. Il vit en couple avec une certaine Zosia, qu’il épousera. Cependant, il est écœuré de sa tentation de la chair pour la sulfureuse Héla – « cette monstruosité métaphysique de l’érotisme ».  Sa fascination pour Héla – bien qu’il éprouve dans le même temps un grand amour pour sa femme – va le conduire à provoquer en duel Tropoudreh (le partenaire d’Héla). Athanase sera sérieusement blessé, ce qui aura pour conséquence le rapprochement des deux rivaux.

            Ayant échappé à une mort stupide, Athanase se pose des questions d’ordre existentiel. Il mûrit aussi ses réflexions sur l’avenir de la société dans laquelle il envisage la mécanisation de l’humanité, la décadence de l’art et de la philosophie ou encore l’extinction de la religion. Si par le passé l’homme se réalisait en créant, pense-t-il, demain, il évoluera dans une société « grise et ennuyeuse ».



           
            La majorité du roman est focalisée sur la déchéance d’Athanase (la psychologie est omniprésente) et en premier lieu sur son amour ambiguë et viscéral pour Héla, la créature luciférienne. C’est avec elle qu’il aurait aimé le plus échanger sur la philosophie car celle-ci était dotée d’une intelligence impressionnante. Malgré cela, Héla se plaisait à rester en retrait. Cet amour impossible conduira à des dommages collatéraux dans les deux couples. Athanase s’empêtrera dans son non-être abyssal : « il s’adonnait à la contemplation paisible de son propre néant ».

            Héla recherchait quant-à elle sa vraie voie en matière de religion. En effet elle passa de la judaïté (pratiquante) à la judéité (abandon de sa religion) puisqu’elle s’est convertit au catholicisme puis plus tard s’est orientée vers le bouddhisme.

            En grand consommateur de substances narcotiques (Witkiewicz en a écrit un essai), il n’est pas surprenant de les voir apparaître dans le roman. Il y décrit les ravages de la drogue à travers l’un des personnages qui sombrera (Athanase en réchappe, se rendant compte des dégâts qu’elles provoquent).

                        Sur le plan politique, la Pologne est chamboulée par des révolutions successives qui débouchent sur un triste Etat nivelliste où règne « la grisaille du bien-être généralisé », peuplé d’automates désindividualisés.



            D’une manière globale ce roman s’apprécie en s’investissant pleinement dedans, bien qu’il soit d’un accès difficile. C’est très touffu, complexe et par moments, il faut bien le reconnaître, plutôt pompeux. De nombreuses références politique, philosophique sociologique, etc. parsèment le livre, dont certaines échapperont au lecteur (y compris votre serviteur), néanmoins cela n’a pas d’incidence sur la compréhension du récit. Fresque immense, « L’adieu à l’automne » se révèle une œuvre pessimiste, visionnaire, érotique, méditative, qui mérite qu’on s’y arrête.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire