vendredi 27 avril 2012

L'invisible - Robert Pobi


Auteur : Robert Pobi (Canada)
Titre : L'invisible
Editions Sonatine
Parution : 2012 (VO, 2011)


Illustre inconnu annoncé comme un futur grand (les droits de ses prochains romans sont déjà achetés dans de nombreux pays), c'est avec une certaine impatience que nous attendions le premier livre du canadien Robert Pobi. Ce thriller, en dépit de quelques longueurs, se révèle très prometteur.


Dans la ville américaine de Montauk, située sur la péninsule de South Fork, l'agent Jake Cole se rend au domicile de son père. En plus des chances d'avoir la maladie d'Alzheimer, ce dernier s'est immolé par le feu avant de se jeter dans la piscine. Sérieusement brûlé, il s'en est sorti mais ne retrouvera plus l'usage de ses mains, réduites à des moignons. Un évènement fort dommageable puisque Jacob Coleridge compte parmi les peintres les plus brillants en activité. L'agent du FBI doit assurer les démarches afin de placer son père en institution spécialisée. Ce retour au bercail n'est pas une mince affaire puisque Jack ne peut l'encadrer, et ce depuis de longues années. En effet, il ne l'avait pas revu depuis plus de trente ans, date à laquelle remonte l'effroyable meurtre de sa mère, écorchée vive. Ce traumatisme rejaillit durant son séjour à Montauk puisque non loin de là, deux corps sont retrouvés écorchés vifs. Jake ne croit pas aux coïncidences, et estime que le meurtrier est le même que celui de sa maman. Chargé de l'enquête, il se lance dans un engrenage dont il n'a même pas idée. Doté d'un "don" hors du commun, sa présence ne sera pas de trop pour arrêter le (ou les) détraqué(s). Jake bénéficie d'une mémoire photographique phénoménale qui lui permet de revisualiser les scènes de crimes dans les moindres détails. De plus, il a la capacité de "peindre" les derniers moments de la vie des morts, découvrant ainsi la signature des assassins.
A l'hôpital, son père délire, blindé de morphine. Il hurle à son fils de partir, car le criminel rode encore alentour : "Tu ne peux pas lui échapper ! Il va te retrouver ! Fous le camp !" Son père dessine plus tard avec son propre sang, en l'absence de Jake, un tableau sur le mur de l'hôpital, de "L'homme de sang", comme il l'appelle. Hélas, le visage est abstrait. Jake pense que cet être terrifie tellement son père qu'il ne peut le nommer, et tente de le mettre sur la piste. Dans la maison familiale, plus de 5000 tableaux gisent dans son atelier, digne de l'enfer de Jérôme Bosch. Toutes les formes humaines sont dénuées de visage. Jake essaie de trouver une piste au milieu des oeuvres d'art, pour reconstituer ce gigantesque puzzle.
De plus, le criminel joue avec les nerfs de l'agent, en parlant furtivement à son enfant de trois ans, dans la propreté familiale - disant que c'est l'ami de son père, qu'il se nomme Bud. Puis, quelques temps plus tard,  en maquillant le visage de l'enfant avec du sang. Dès lors, Jake veut que sa compagne et son fils quittent au plus vite cet endroit sinistre. Ils n'ont d'ailleurs guère le choix, car un ouragan monstre fonce droit sur eux. Le compte à rebours est lancé, et Jack devra avoir les nerfs solides face à cet adversaire de haut rang...


"L'invisible" démarre de manière classique. Un agent du FBI (anciennement alcoolique et drogué) se voit confronté à deux meurtres similaires à la première enquête de sa carrière, plus de trente ans en arrière. Cela le touche au plus près puisqu'il s'agirait de l'assassin de sa mère. L'intrigue gagne en profondeur via des personnages riches, avec en premier lieu la dualité père-fils. Le père tourmenté s'exprime via ses tableaux, quant au fils, il fait des peintures mentales des victimes afin d'identifier la marque des tueurs. Jake est en conflit avec son père, artiste aussi génial que mauvais père, au caractère irritable, souvent aviné.Tous deux sont à leur manière, hantés et rongés par le passé. Le monde de l'art amène de l'originalité car c'est un univers peu employé dans les thrillers. Jusqu'ici, le lecteur a eu droit à du classique, efficace certes, mais qui laisse un poil sur sa faim. Alors survient le final qui renverse totalement le récit, en une révélation aussi inattendue que diabolique, faisant basculer "L'invisible" du côté des livres qui vous sortent estomaquer. L'auteur a magnifiquement mené en bateau son lecteur, avec une construction épatante et magistrale.


Ce premier essai lorgne du côté du bijou, en éliminant les défauts soulignés plus haut, et classe Robert Pobi dans les auteurs à suivre de très près. On attend déjà son prochain livre, annoncé pour l'an prochain, avec un intérêt certain. Pour l'heure, nous invitons même les plus sceptiques à se plonger dans ce monde dérangeant et torturé au dénouement spectaculaire. Comme on dit dans le jargon : "Bonne pioche". Et encore, c'est rien de le dire !


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