Auteur : Don Delillo (USA)
Titre : Cosmopolis
Parution : 2005 pour la réédition en poche Babel (VO, 2003)
Considéré comme un des plus brillants écrivains américains contemporains aux côtés des Vollmann, Pynchon, Powers, pour ne citer qu'eux, Don Delillo nous livre avec "Cosmopolis" une oeuvre axée sur notre monde contemporain et notamment sur les dangers que sont les dérives du capitalisme, et l'aliénation urbaine. Cette dernière ayant des résonances ballardiennes.
Eric Michael Parker (28 ans) n'a, à proprement parlé, pas de soucis financiers. Riche, prédateur sans remords, attiré par l'appât du gain, les flux d'informations n'ont aucun secret pour lui. A bord de sa limousine blanche dans laquelle il vit la plupart de ses journées (y'en a qui s'éclatent), sillonnant les rues de New-York, il a en permanence sous les yeux des tas d'écrans, un garde du corps, et la visite quotidienne de maîtresses. Bien que marié, Eric ne voit jamais sa femme, aime lui mentir et la tromper. Chaque jour, un médecin vient tâter sa prostate dans l'automobile. Sur le chemin le conduisant chez son coiffeur, plusieurs évènements perturbent la circulation : une manifestation d'anarchistes dans laquelle un homme s'immole par le feu (pour montrer à quel point il est sérieux), les obsèques d'un rappeur, ou encore un assassin entarteur. Par ailleurs, Eric se fie à un rapport qui prévoit la baisse du yen, or dans les heures qui suivent, l'effet inverse se produit, et son argent fond comme neige au soleil...
En cette année 2000, le cybercapitalisme règne sur New-York. Le concept englobe un espace géographique autrement plus large, cependant, par commodité, nous nous en tiendrons au lieu du récit. Dans cette cosmopolis, littéralement "cité du monde" (cosmo = grec ancien "Kosmos" qui signifie Monde, Univers ; Polis = grec ancien "Polis" qui signifie Cité), les centres financiers poussent comme des champignons, autant de tours de verre "tellement ordinaires et monotones, hautes, transparentes, abstraites" qui accentuent la déshumanisation de la ville. La circulation, fréquemment obstruée par des bouchons, s'accompagne des concerts de klaxons, dans un vacarme qui participe à l'aliénation urbaine. Les prestigieuses limousines sont quant-à-elle comparées à un "vertigineux objet mutant".
Le livre traite aussi de la prolifération du langage numérique, par la présence outrancière d'écrans aux flux d'informations continus, "leur donnant une dimension sacrée en des rituels tout bonnement illisibles". C'est bien là "qu'était l'élan de la biosphère".
Delillo évoque, par quelques touches, l'idée d'une immortalité selon laquelle l'être humain serait absorbé dans les flux de l'information. En effet, notre enveloppe corporelle, périssable par essence, destinée à devenir de la poussière, freine cette ambition. C'est pourquoi l'objectif consisterait à aller au-delà du corps, en immergeant notre cerveau sur un disque. La "transcription du système nerveux en mémoire numérique" serait une avancée déterminante pour le cybercapitalisme. Mais le personnage a conscience des limites de cette entreprise, puisque cela signifierait la perte de notre idiosyncrasie, de nos séquelles corporelles et psychologiques, et ainsi de suite.
Pour finir, ce roman est la chute d'un individu, bouffé par le système, car "l'extension logique des affaires, c'est le meurtre".
Assurément un ton en dessous de " Les noms", "Cosmopolis" n'en demeure pas moins intéressant à lire pour les questions qu'il aborde et sa vision pessimiste d'un monde ravagé par l'argent. Une porte d'entrée honorable donc, dans la prolifique bibliographie de ce formidable auteur.
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