Auteur : Don Delillo (USA)
Titre : Mao II
Editions Babel
Parution : 2001 (VO, 1991)
Paru au début des années 90, le roman de Don Delillo évoque à la fois le terrorisme, des réflexions sur l'écriture, le mooniste de Sun Myung Moon, ou encore le maoïsme.
Dans un stade de New-York, se déroule des centaines de mariages forcés, sous l'oeil bienveillant de Sun Myung Moon, depuis la Corée. L'Eglise de l'Unification (considérée comme une secte) prône la substitution de l'individu au profit de la masse. Les hommes ont l'air heureux, privés de leur libre arbitre et de leur pensée. "Ils chantent, fortifiés par le sang des grands nombres. [...] Ils sentent la puissance de la voix humaine, la puissance d'un seul mot répété qui les enfonce davantage encore dans l'unité. [...] Ils chantent pour une vie nouvelle, pour la paix éternelle, pour la fin de la souffrance solitaire de l'âme."
Ailleurs, l'écrivain Bill Gray refuse de rendre à son éditeur son dernier roman. Il est angoissé par l'insatisfaction de son travail, par une réécriture constante au risque de dénaturer sa pensée première afin de retarder la publication, car après cette étape, son livre ne lui appartient plus. C'est au lecteur de se l'approprier, de le décoder ou non. Bill se rend au Liban pour apporter son aide à un otage. Delillo parle de l'influence des médias dans ce genre d'opérations, de l'impact qu'engendre le sensationnalisme et l'extraordinaire : "plus sombre est l'information, plus grandiose (est) le récit." Il décrit le quotidien d'un otage, qui doit tenter de se repérer dans le temps en fonction des rares repas qu'on daigne lui amener. Son sort (en partie) lié aux médias. Le roman s'attarde aussi sur le rythme d'une ville, Beyrouth, soumise aux bombes terroristes, et aux balles. C'est leur manière de trouver une place en ce monde s'exprimant à travers le prisme de l'Histoire, en employant la terreur : car à leurs yeux, "la terreur rend possible un nouvel avenir. L'histoire n'est pas le livre ni la mémoire humaine. Nous faisons l'histoire le matin, et la changeons après le déjeuner."
"Mao II", s'il propose de belles réflexions sur des sujets pertinents et de société, n'atteint cependant pas l'ambition et la qualité littéraire de son roman "Les noms", mais peut se ranger aisément en compagnie du très poétique "Body art" ou du non moins recommandable "Cosmopolis". Don Delillo fait partie des grands écrivains contemporains américains dont il serait dommage de se priver.
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