Auteur : Rod Rees (ANG)
Titre : Le demi-monde, hiver
Editions Nouveaux millénaires
Parution : 2012 (VO, 2011)
Premier roman de l'anglais Rod Rees, "Hiver" est le premier tome du Demi-monde, un cycle qui en comprendra logiquement quatre. L'auteur nous plonge dans un monde virtuel d'une grande crédibilité, destiné à entraîner les soldats américains aux combats de guérilla extrême. Comme si cela ne suffisait pas, les concepteurs du jeu ont recréé sous forme de cyberdouble, vingt des plus grands salopards de l'Histoire : Heydrich, Chaka, Beria, Robespierre, Aleister Crowley, entre autres. Pour foutre le bordel là au milieu, c'est une bonne initiative... sauf qu'ils n'ont pas prévu que le programme prendrait son indépendance, et évoluerait de façon anarchique. Bienvenue en enfer !
Le Demi-Monde : conçu par un immense simulateur informatique nommé ABBA, il se divise en cinq secteurs. Ces secteurs sont organisés de façon à ce que les populations qui se juxtaposent ne puissent pas se sentir, afin de semer le chaos. Si l'on ajoute à cela une surpopulation volontaire, on imagine aisément que cela pète de tous les côtés.
De plus, par un incroyable tour de passe passe, l'immense et terrifiant magicien occulte Aleister Crowley a réussi à kidnapper une personne extérieure au Demi-Monde. La victime n'a pas été choisit au hasard puisqu'il s'agit de Norma, la fille du président des Etats-Unis. Ainsi, le jeu ne peut être simplement détruit ou stoppé car cela ferait de Norma une Captive, c'est-à-dire une personne issue du monde réel, prisonnière du jeu, dont l'esprit se perdrait dans le cyberespace. Dix-sept soldats sont également pris au piège. Plus grave encore, les entités numériques ont verrouillés les entrées dans le jeu et les sorties. Il ne reste plus qu'une porte de secours à l'intérieur du Demi-Monde pour s'en évader. Telle va être la mission de Ella, une jeune métisse qui a toutes les qualités requises nécessaires au sauvetage de Norma. Elle s'immense dans l'univers virtuel dans le "corps" du seul cyberdouble vacant. Pour elle, c'est le début de sérieuses emmerdes...
Rod Rees démarre sur les chapeaux de roue ce cycle qui s'annonce sous les meilleures augures. Via une plume assez élégante qui n'hésite pas à manier l'humour, on tourne les pages avec beaucoup de plaisir en suivant les vicissitudes des personnages. Cet univers virtuel complexe est d'une grande richesse, truffé de détails qui crédibilisent le Demi-monde, même si réunir les pires crapules en un même espace-temps laisse un peu perplexe. Mais là n'est pas l'essentiel. C'est avant tout les perspectives qui se dévoilent qui font froid dans le dos. Le demi-Monde renvoie inévitablement aux auteurs cyberpunk, à l'instar de William Gibson, Bruce Sterling, Neal Stephenson, Effinger, entre autres. Cette immersion dans une réalité virtuelle fait aussi penser à l'excellent roman de Christopher Priest, "Les extrêmes", dans lequel une femme agent du FBI traumatisé par la mort de son mari, s'immerge dans un logiciel pour "revivre" la scène du crime dans la peau du tueur et des victimes. En plus de la science-fiction, la dimension ésotérique parsème le récit. En premier lieu on note la présence du puissant magicien Aleister Crowley, à l'insondable esprit. C'est lui la principale arme du Demi-monde. Les rituels sont évoqués tels le Sacrifice du sang ainsi que le diabolique Rite du transfert. Les médiums ne sont pas en reste non plus avec Ella (la recrue sensée sauver la fille du président) qui devient l'assistante d'un médium charlatan en fuite. En lisant les scènes de séance de spiritisme, on songe au polar ésotérico-fantastique, "La fille dans le verre" de Jeffrey Ford, d'excellente facture. Enfin, certains dirigeants consultent le Yi King pour les aider à la prise de décisions.
Pour les points négatifs, je n'ai pas grand chose à reprocher à l'auteur, si ce n'est quelques rebondissements étranges ou loufoques (une fuite en ballon qui n'est pas sans rappeler "L'île mystérieuse" de Jules Verne ; ou l'invraisemblable transformation de Trixie, jeune demoiselle bien propre sur elle qui devient une formidable meneuse de guerre).
Ce roman audacieux et bouillonnant se dévore, en un savoureux mélange d'influences multiples, qui laisse la part belle au divertissement. On attend la suite avec impatience, annoncée pour le mois d'octobre. A n'en pas douter, Rod Rees est une révélation pour cette année, qu'on se le dise !
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