vendredi 16 novembre 2012

Le souilleur de femmes d'Oxford - Gary Dexter



Auteur : Gary Dexter (ANG)
Titre : Le souilleur de femmes d'Oxford
Editions Le dilettante
Parution : 2012 (VO, 2008)


Le sexe, en ce moment, c'est la mode. On s'arrache en librairie le roman sado-maso "Cinquante nuances de Grey" tandis que dans la foulée débarque "Dévoile-moi" d'une certaine Sylvia Day. L'éditeur nous présente cette romance érotique comme un phénomène mondial. Diable ! Et ce n'est que le début d'une vague annoncée. Nous avons choisi de laisser de côté ces pacotilles qui se vendent toutes seules pour nous pencher sur un recueil beaucoup plus confidentiel, à la fois érudit et décalé, d'un enquêteur maître ès sexologie, dont la teneur nous a semblé particulièrement intrigante. Nous en profitons également pour saluer la sensationnelle couverture.


Ce recueil se compose de huit nouvelles ayant pour fil conducteur les perversions sexuelles. Le sexologue Henry St-Liver mène des enquêtes en compagnie de son assistante, Olive Salter. Celle-ci prend des notes afin de publier les aventures du détective, elle qui manie honorablement la plume (son roman est paru récemment). Nous commençons par les deux nouvelles les plus faibles : le texte qui ouvre le bal s'apparente plus à une mise en bouche (si vous me passez l'expression) pour narrer les circonstances de la rencontre entre St-Liver et Miss Salter. Le flabellum manquant évoque un vol dans une chapelle derrière lequel se dissimule une supercherie d'une tout autre nature. Si elle n'est pas très prenante, elle a le mérite de mettre dans l'ambiance. Le jeune explorateur intègre dans son intrigue Oscar Wilde (emprisonné pour homosexualité). Un jeune homme noir a été kidnappé dans son hôtel et toutes les traces de sa présence ont été effacées. Un texte de qualité assez moyenne. La nouvelle qui donne son titre au recueil, Le souilleur de femmes d'Oxford, monte d'un cran. On assiste à plusieurs agressions de filles dans un collège, qui se font couper une mèche de cheveux avant que l'homme ne s'écrie "Yoyo !" Ce nom correspond à celui d'un babouin appartenant à un individu antipathique. Le dénouement nous surprend, surtout par son humanité. Dans Le client bien né, un lord demande l'aide du célèbre sexologue afin d'éviter un scandale. Car il doit se marier prochainement mais à la fâcheuse habitude de ne pouvoir s'empêcher de s'exhiber dans les églises. Il redoute un scandale retentissant. Le travestissement est au centre du récit Smith Ely Jelliffe dans lequel un homme adore s'habiller en femme. Il parvenait toujours à le cacher au monde extérieur jusqu'au jour où il reçoit une lettre de chantage. Là encore, une excellente aventure vicieuse. Les sept bobines nous convoque dans un couvent où des bobines ont été subtilisées. Et pourtant, le (ou la) coupable ne pensait pas à mal, bien au contraire. Inattendu et plutôt drôle. Le dernier texte, Le voleur de Potchefstroom, fait intervenir le frère jumeau de St-Liver. Il revient à l'improviste de cinq années d'incarcération en Afrique du Sud pour le vol de jambes de bois !!!!! Il tomba sous le charme d'une missionnaire qui lui promis sa main à sa sortie. Mais celle-ci s'envola sans donner de nouvelles. Un bon texte. Et enfin, Le gourmet sous contrat, de loin la plus marquante et la plus écoeurante de toutes. Un jeune qui vient de se faire licencié sans réel motif accepte une étrange proposition : prendre le petit déjeuner tout les jours gratuitement dans un restaurant, mais à condition de rester sur place jusqu'à 17h. La révélation est simplement stupéfiante.

Dexter eut l'idée de ces nouvelles en lisant les essais de psychologues et/ou sexologues alllemands tels que K.H. Ulrichs, Magnus Hirschfeld, Iwan Bloch, Albert Moll et essentiellement du médecin britannique Havelock Ellis. Il mentionne également l'imposant et désormais ouvrage classique "Psychopathia sexualis" du psychiatre austro-hongrois Richard von Krafft-Ebing. L'érudition ne s'arrête pas là puisque dans les textes, il cite pèle-mêle, le marquis de Sade, Sappho, ou encore l'anatomiste Max Fürbringer. Nous émettons quelques réserves sur la présence souvent dispensable de passages qui n'apportent rien au récit (comme l'asthme de Miss Salter, sa fatigue, ou des descriptions inutiles). L'écriture n'est donc pas pleinement maîtrisée, mais étant donné qu'il s'agit de son premier "roman", on lui pardonne ces quelques maladresses.


"Le souilleur de femmes d'Oxford" se démarque par sa démarche ambitieuse sans substituer le divertissement à l'étalage de connaissances qui auraient pu devenir barbantes dans le cadre d'un texte littéraire. Par l'intermédiaire de son enquêteur, Gary Dexter fait preuve de beaucoup d'empathie à l'égard des personnes commettant ces "dérives" sexuelles, ne jugeant jamais, ni n'accablant. Après tout, comme le dit si bien Balzac dans "La peau de chagrin", "un homme est bien fort quand il s'avoue sa faiblesse". 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire