Auteur : Hal Duncan (Ecosse)
Titre : Vélum
Editions Denoel
Parution : 2008 (VO, 2005)
Premier roman d'un écossais d'une trentaine d'années, "Vélum" est la première partie d'un dyptique colossal, à tous points de vue. D'une ambition folle, ce monstrueux labyrinthe force l'admiration mais n'empêche pas une pointe d'agacement lorsqu'il égare par instants son humble lecteur, au coeur de ce maelström littéraire.
Selon les Cisterciens, le Livre de Toutes les Heures serait la version maléfique, créée par Lucifer, du Livre de la Vie. Ce grimoire diabolique renferme la totalité des noms des hommes passés, présents, et à venir. Un juif érudit affirme même que ceux qui voient ce livre deviennent fous. Ce qui n'est pas sans rappeler les propriétés d'un autre livre, "Excalibur" (censé appartenir à Ron Hubbard), qui condamne à la folie quiconque ose le parcourir.
Le monde s'est scindé en deux branches d'anges Amortels qui luttent pour la possession du trône laissé vacant par Dieu. D'un côté les Souverains, de l'autre, l'Alliance. Quelques uns refusent de s'engager dans ce conflit, mais sont pourchassés jusque dans le Vélum qui est "une sorte de miroir du monde, ou quelque chose de plus grand qui inclut le monde". De plus, la dimension spatio-temporelle de ce monde contient toutes les histoires possibles, incluant celles qui n'ont pas encore pris corps. En effet, "tout est lié comme des échos et des reflets se répercutant sur une centaine d'années." L'auteur nous transbahute à différentes époques historiques allant de la Mésopotamie (protohistoire) jusqu'au nazisme, en passant entre autre par le vendredi sanglant écossais de 1919.
L'oeuvre baigne dans de nombreuses influences. On citera par ex. celle de Borges pour le côté labyrinthique et l'érudition divertissante, Lovecraft (à travers le "Macronomicon" de Liebkraft), le Prométhée d'Eschyle, James Joyce pour la mythologie et la structure cyclique du récit, et pourquoi pas Piotr Ouspenski pour qui l'avenir existe déjà jusque dans ces moindres détails.
D'un aspect pourtant rebutant en raison de sa construction difficile à saisir (on jongle constamment entre les périodes historiques), le voyage mérite de la persévérance car l'on sent que ce livre sort des sentiers battus. L'écriture nous happe très vite et ne baisse pas de qualité. Il faut cependant noter que des passages sont assez obscurs et nous laissent perplexes, mais le découragement ne doit pas vous freiner.
"Vélum" est un roman qui demande une implication totale du lecteur s'il ne veut pas se faire larguer en route. En dépit d'une certaine incompréhension épisodique, nul doute que ce récit ambitieux et complexe provoque l'enthousiasme. En cette période où le nivellement par le bas fait foison, il est réjouissant de voir ce genre d'ouvrages (encore) publiés. L'autre bonne nouvelle est que si votre porte-monnaie fait grise mine, les deux tomes sont sortis en poche. Vous n'avez donc plus aucune excuse pour ne pas vous les procurer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire