Auteur : Stefan Zweig (Autriche)
Titre : Le joueur d'échecs
Editions Le livre de poche
Parution : 1991 (VO, 1943, à titre posthume)
"Le joueur d'échecs" paru l'année suivant la mort de Zweig, alors qu'il était en exil au Brésil pour fuir la seconde guerre mondiale. Épuisé par le conflit et impuissant devant l'agonie du monde, il choisit de se suicider en 1942.
Cette longue nouvelle oppose deux esprits durant une partie d'échecs sur un bateau. Le premier est le champion du monde en titre, un yougoslave nommé Czentovic. C'est à 15 ans qu'il se découvre un talent inné pour les échecs. En dehors de ça, c'est un être mollasson, dépourvu de culture générale, replié sur lui-même dès que l'on veut lui tirer les vers du nez. Imbu de lui-même puisqu'il écrase tous ses rivaux, "il se croyait le personnage le plus important de l'humanité", mais "il ne soupçonne pas qu'il y a d'autres valeurs en ce monde que les échecs et l'argent, il a (par conséquent) toutes les raisons d'être enchanté de lui-même."
Il possède néanmoins une certaine forme d'intelligence, car le hasard n'a aucune place dans ce jeu profondément stratégique et tactique. En effet, Czentovic a appris "les finesses, les ruses subtiles de l'attaque et de la défense, la technique de l'anticipation, de la combinaison et de la riposte."
Face au champion du monde, un illustre inconnu (appellé M. B) va mettre à mal cette insolente domination.
Ce M. B raconte son histoire à un passager, et la raison pour laquelle il fut intéressé par le déroulement d'une partie en cours sur le bateau (Czentovic opposé à un groupe de plusieurs joueurs moyens). Il fut emprisonné durant plusieurs mois par la Gestapo, subissant de nombreux interrogatoires. La solitude lui pesait énormément lorsqu'il eu l'habileté de dérober un livre dans la poche d'un gardien. Telle ne fut pas sa déception en constatant que ce n'était qu'un manuel d'échecs, regroupant une centaine de parties d'échecs jouées par des maîtres. Histoire de s'occuper l'esprit pour ne pas sombrer dans la folie, il se confectionne un échiquier avec son drap et façonne les pièces avec de la mie de pain. M. B joue et rejoue les exemples, jusqu'à les connaître par coeur. L'ennui réapparaît devant la routine. Il joue alors contre lui-même, ce qui est une aberration puisque le même cerveau réfléchit pour deux. Comment ne pas prévoir ce que l'autre à en tête ? C'est impossible ou de la schizophrénie. Poussé dans des réflexions infinies, le détenu plonge inéluctablement dans la folie. Une vingtaine d'années plus tard, sur le bateau, M. B voit son traumatisme resurgir, car le corps se souvient...
Cette petite pépite percutante évoque les traumatismes du nazisme (ici via la torture mentale) qui conduisent à la folie d'un individu. Le point de vue psychologique de l'ancien détenu est particulièrement poignant dans son cheminement. Un grand bouquin qui donne matière à réflexion.
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