samedi 17 décembre 2011

Quinzinzinzili - Régis Messac

Auteur : Régis Messac
Titre : Quinzinzinzili
Paru en 1935 [2009 pour la présente réédition]
Editions L'arbre vengeur


Enseignant, critique, traducteur et écrivain, Régis Messac fit une thèse sur le "roman de détection" (polar de l'époque) et publia des dystopies telles "Quinzinzinzili" ou "La cité des asphyxiés" dans les années 30 qui en font un des précurseurs du genre. En effet sa vision pessimiste de l'humanité éclata au grand jour avec ce texte sombre mâtiné d'un soupçon d'ironie.


Le narrateur se demande encore si son récit contient une quelconque crédibilité (est-il fou ?) ou si ce n'est qu'un rêve. Quoiqu'il en soit, il écrit son expérience pour la transmettre aux générations futures, d'un point de vue historique. Tout débute dans les années 30 avec un conflit planétaire qui débouche sur la seconde guerre mondiale. Un japonais mis au point un gaz lourd hilarant qui, au contact de l'oxygène, provoquait la mort de ceux qui l'avaient inhalés. Ainsi "l'humanité mourut en ricanant". Ce gaz modifia le climat devenu une furie qui ravagea les habitations par des cyclones, des raz de marée ou encore par des éruptions volcaniques.

Le narrateur survit seul, avec quelques enfants tuberculeux. Réfugiés dans une grotte, ceux-ci sont rapidement confrontés à l'absence de nourriture. De plus, le champ de découvertes et d'expérimentations étant particulièrement restreints, les enfants voient leurs connaissances réduites à une peau de chagrin. Ils inventent une espèce de charabia dont le mot "Quinzinzinzili" évoque tantôt Dieu, tantôt d'autres objets ou choses qui leurs sont inconnus. Ils récitent une prière-incantation quotidiennement. D'autres "mots" viennent redéfinir le monde, tel qu'ils le voient. Cette bande de gamins ne brille pas par leur intelligence, ce qui exaspère et fait rire notre narrateur devant ce tissu de conneries : quid de cette nouvelle humanité ? Primitive - Brutale - Crétine...


Après la catastrophe - une seconde guerre mondiale qui a anéantit la majorité des humains - Messac imagine une nouvelle civilisation renaissante, via le regard désabusé et ironique du dernier être "humain". Communiquant par une novlangue à la pauvreté abyssale, les enfants sont rarement valorisés. Ce sont plus des sons barbares que des sons civilisés qui jaillissent de leurs bouches, infectes et puantes. Ils découvrent l'amour, ou plutôt la sexualité car les sentiments sont au placard ; définissent une société non plus patriarcale mais matriarcale (avec la présence d'une seule femme dans le groupe des survivants) ; apprennent le prolongement du bras par l'intermédiaire d'un objet ou d'un outil (idée également présente dans 2001 de Kubrick) ; ou encore ignorent les rites funéraires alors qu'ils usent de rites grotesques pour d'autres gestes a priori anodins (craquer une allumette par ex.).


"Quinzinzinzili" met en lumière un avenir pour l'espèce humaine peu reluisant et profondément pessimiste. Cependant, le tableau n'est pas complètement noir puisque l'auteur n'oublie pas de porter un regard ironique, presque paternel, sur les bêtises des enfants. Il est vrai que notre intelligence en prend un sacré coup sur la cafetière, mais d'un autre côté, les anciens problèmes liés à la société industrielle sont enrayés pour ne laisser place qu'à celui de l'instinct de survie. Après tout, si ces imbéciles sont heureux, n'est-ce point là l'essentiel ?
Grinçant à souhait et élégamment écrit, voici une oeuvre belle et forte qui ne devrait pas vous laisser indifférent.

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