Auteur : Jacques Spitz (France)
Titre : L'oeil du purgatoire
Paru en 1945
Editions : L'arbre vengeur (réédition, 2008)
Publié originellement en 1945, "L'oeil du purgatoire" est une des rares oeuvres encore disponibles dans le commerce, actuellment. On peut trouver aussi plusieurs romans de Spitz aux éditions Bragelonne, regroupés sous le titre "Joyeuses apocalypses", et enfin "La guerre des mouches" aux éditions Ombres.
Un artiste sur le déclin peint des femmes qui lui servent de modèles. C'est grâce à elles qu'il se raccroche au monde, tant l'envie de le quitter lui taraude l'esprit. Mais rapidement, il s'inquiète par l'arrivée de divagations visuelles qui altère sa perception du réel. Pour se rassurer, il consulte un ophtalmologiste, qui ne décèle aucune anomalie. Peut-être est-il victime d'hallucinations passagères ? Toujours est-il que son Mal persiste. Pire, il s'accentue. En effet, parmi les humains, il en distingue qui ont clairement une apparence cadavérique. Lui seul semble le remarquer. Quitte à passer pour un demeuré, il se rend chez un médecin... qui se moque gentiment de lui. Furieux, il quitte le cabinet sans demander son reste. Les jours défilent et rien ne change. Le peintre constate que tout ce qui est périssable (chair, fleurs, papier, etc) s'altère. Il s'interroge sur sa capacité à pressentir l'avenir, à avoir un coup d'avance sur le devenir des choses.
C'est par une lettre d'un savant fou qu'il a rencontré, que l'artiste, subjugué, apprend que celui-ci lui a administré un bacille en lieu et place de médicaments pour sa migraine. Selon ce scientifique, il s'agit pour le cobaye, de faire un voyage dans la causalité. Ainsi, impuissant, il assiste à l'agonie du monde, et "il meurt sans grandeur". Le bacille progresse et ses troubles avec. Dorénavant, ce ne sont plus des cadavres qu'il côtoie, mais des squelettes, squelettes qui se transformeront en poussière. Quelle sera l'étape suivante ? Le malheureux n'est pas au bout de ses peines : "Sous mes yeux, comme un chancre dévorant, s'agrandit un néant que je pressens infini"...
Basé sur une expérience scientifique - la propagation dans un corps humain d'un virus - ce roman voit la déflagration progressive d'un monde sous le regard éberlué d'un homme, qui finira par se replier sur lui-même, ayant la crainte d'être pris pour un fou. Il devient extrêmement froid avec sa petite amie et pour cause : comment prendre du plaisir en faisant l'amour à un cadavre articulé doté de la parole ? Il s'appuie sur la voix afin de reconnaître ses proches, puisque ses ex-semblables ne sont que des squelettes. Simuler un comportement normal devient un défi chaque jour, et plus le temps passe, plus c'est périlleux. La fin du roman s'avère logique, touchante aussi, apportant la réflexion d'un homme sur la vie qu'il a mené.
Ecrit il y a plus de 60 ans, "L'oeil du purgatoire" n'a pas pris une ride (enfin, façon de parler). Il traite de la folie scientifique et propose une réflexion sur la question du réel. Nous habitons un monde commun que nous ne voyions pas de la même manière eu égard à notre éducation, notre société, à l'usage de drogues ou avec l'altération de fonction(s) de notre organisme par certaines maladies. D'une grande force visuelle et très prenant à lire, cette oeuvre est un véritable joyau que nous vous recommandons chaudement.
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