vendredi 8 novembre 2013

Point oméga - Don Delillo


Auteur : Don Delillo (USA)
Titre : Point oméga
Parution : 2013 (VO, 2010)
Editions Actes sud, coll. Babel


Dernier roman en date du géant américain Don Delillo, "Point oméga" désarçonne par sa froideur. Il questionne les modifications sociétales qui ont chamboulé notre rapport au temps. Face à la frénésie de l'urgence, l'auteur propose de prendre de la distance et de temporiser. 


Le récit s'ouvre et se ferme par deux chapitres consacrés au film "Psychose", diffusé dans un musée. Le film dure 24h puisqu'il se déroule au ralenti, sans dialogues ni bande son. Cette expérience déconcerte le public qui quitte la salle rapidement, hormis un homme éprouvant une fascination à le regarder sous tous les angles, dénué du moindre suspense, laissant place à un temps infini. 
Ailleurs, Elster, un ancien membre du gouvernement politique américain durant le conflit irakien, part se ressourcer dans le désert de Sonora. Il est bientôt rejoint par un jeune cinéaste qui souhaite avoir sa version des faits sur la guerre en Irak. Les deux hommes parlent de tout et de rien. Le temps passe. Le duo devient un trio lorsque la fille d'Elster débarque. L'ennui finira par prendre le pas, et Elster ne se décide toujours pas à donner sa vision au réalisateur...

La thématique centrale de cet étrange livre s'axe autour de la notion du temps et de notre rapport au réel. 
D'emblée l'auteur opère une rupture nette en incitant le lecteur à voir les choses différemment. Ce film d'une durée interminable s'apparente à un éloge de la lenteur, ainsi qu'un coup de gueule sur l'évolution de nos sociétés ravagées par la vitesse, par son "accélération" pour reprendre le titre du livre du sociologue Hartmut Rosa. Obnubilés par le gain de temps, les hommes sont contraints de vivre de plus en plus vite, pressés par la rentabilité et le profit. Ce rythme effréné augmente le stress qui conduit à de nouvelles maladies. Delillo voit dans la ville une construction faîte pour mesurer le temps, en nous séparant de son écoulement naturel. C'est pour renouer avec ce dernier que le personnage d'Elster a un besoin vital de s'isoler en plein désert, hors du monde.  Selon lui, "la vraie vie a lieu quand nous sommes seuls, à penser, à ressentir, perdus dans les souvenirs, rêveusement conscients de nous-mêmes." 
Delillo va même plus loin en évoquant subrepticement Teilhard de Chardin et son point oméga en nous interrogeant : "Devons nous rester éternellement humains ?" Le penseur envisage un dépassement biologique, une convergence des consciences individuelles en une conscience collective harmonisée qui débouchera sur la noosphère. 


Si l'histoire en elle-même n'est guère captivante, l'ennui gagnant le lecteur au fil des pages, Delillo parvient à nous titiller en mettant un point sur le mal-être occasionné par les changements technologiques et notre rapport au monde. Emprisonnés que nous sommes par la course au temps, l'écrivain nous invite à prendre de la hauteur en posant cette pertinente question : "Comment ce serait, de vivre au ralenti ?" 
"Point oméga" est un livre à moitié convaincant qui laissera probablement quelques lecteurs sur le carreau. 
A vous de voir si vous daignez lui consacrer un peu de votre... temps !




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