Auteur : Dan Simmons (USA)
Titre : Drood
Editions Robert Laffont
Paru en 2011 (VO, 2009)
"Drood" retrace de manière mi-biographique mi-fictive, les cinq dernières années de vie du célèbre Charles Dickens (alias l'Inimitable), à travers le récit de son ami et compagnon d'écriture, Wilkie Collins. En grand consommateur de laudanum (opium), sa prose prendra des tournures hallucinées, et embarquera le lecteur dans ses délires - ou supposés tels.
En 1865, Dickens fut un miraculé de l'accident de Staplehurst. Un drame ferroviaire qui envoya plusieurs wagons dans le précipice, hormis celui dans lequel il se trouvait. En descendant le remblai pour prêter assistance, l'écrivain croisa un homme qui s'appelait Drood, un "personnage énigmatique et fantomatique, spectrale, vêtu d'une cape noire". Profondément perturbé par l’évènement, Dickens confia plus tard à Collins que Drood a tué des passagers blessés, allant jusqu'à le soupçonner de cannibalisme. Son ami douta fortement de la version rapportée par Dickens, pensant qu'il était encore en état de choc.
Par la suite, l'écrivain se lança dans le mesmérisme (l'hypnose) pour soigner son épouse, atteinte de crises d'hystérie. Il se consacra également à des lectures publiques et interpréta de nombreuses pièces de théâtre.
Quant au mystérieux Drood, il hanta toujours notre homme, le voyant à sa fenêtre de chambre bien qu'elle soit au première étage ou à d'autres occasions. Un inspecteur de police confirma l'existence de Drood, qui aurait tué des centaines de personnes depuis vingt ans...
On sent que Dan Simmons s'est parfaitement documenté sur les deux auteurs et sur leur époque. Leur relation jalonne le récit, passant de l'admiration de Wilkie à de la jalousie pour ne pas dire de la haine, car Dickens est unique. En outre, l'influence du laudanum laisse planer le doute sur le degré de véracité des propos de son compagnon. Nous assistons aux ravages de la drogue, et à l'état de santé précaire du narrateur, agacé qui plus est par un scarabée aggripé derrière son oeil droit de temps à autre.
Par ailleurs, Collins nous prend à partie, nous "Cher Lecteur" pour immiscer des remarques sur sa démarche créatrice ou pour mettre l'accent sur certaines choses.
A noter qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu Dickens ni Collins pour comprendre "Drood", bien que la lecture du "mystère d'Edwin Drood" (laissé inachevé) soit assurément bénéfique pour en saisir toutes les subtilités.
Avec "Drood", Dan Simmons nous livre quasiment une oeuvre biographique, même si la plume opiacée de Collins à de quoi désarçonner. En dépit de quelques longueurs, saluons l'audace de l'auteur dans un registre qui lui est moins familier, pour un résultat certes nébuleux mais captivant.
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