lundi 18 août 2014

Le mont analogue - René Daumal



Auteur : René Daumal (FRA)
Titre : Le mont analogue
Parution : 1952 [à titre posthume]
Editions Gallimard
Réédition : 2012


Connu pour deux romans aussi inclassables que prodigieux - "La grande beuverie" et "Le mont analogue" caractérisés par plusieurs niveaux de lecture - René Daumal fait figure d'ovni dans le paysage littéraire français. Emporté à seulement 36 ans par la tuberculose en 1944, il laissera malheureusement son ambitieuse dernière oeuvre inachevée. Cette quête spirituelle en forme de récit initiatique offre une grille aux compréhensions multiples, dont je vous livre mon interprétation. Interprétation assurément variable d'un lecteur à l'autre en fonction de sa vision du monde.

Un homme prétend à l'existence d'une montagne qui serait la plus haute de la planète, que personne n'a encore découverte. Un savant farfelu croit à son histoire et se lance dans de complexes calculs pour localiser cette immensité dont le sommet serait inaccessible au commun des mortels. Il en ressort que la courbure de l'espace dissimulerait l'entrée de cette "frontière invisible", camouflant ainsi la mystérieuse montagne sacrée. Une expédition maritime de huit membres part à sa recherche...

Ce livre bénéficie comme nous l'avons dit plus haut de différents niveaux d'interprétation. Au premier, la trame bien visible des étapes successives de cette quête du mont Analogue et, au second plan, les interstices qui sont assurément les plus importantes. En effet, gravir ce sommet physique s'apparente pour chacun des aventuriers à une ascension spirituelle, un "lien entre le Ciel et la Terre", ayant pour ambition de toucher du doigt le monde de l'Eternité. Plus on s'élève intérieurement, débarrasser du poids des tracas quotidiens, libérer des émotions et des pensées envahissantes, plus le divin nous envahit. Ainsi "l'homme peut s'élever à la divinité et la divinité se révéler à l'homme." Daumal met en garde le lecteur en l'incitant à se méfier de la surface des choses. Chacun peut s'il en a la conviction, tendre vers cette frontière pour cueillir la "Rose-amère", fleur de la Connaissance. Toutefois, "le chemin des plus hauts désirs passe souvent par l'indésirable". Il faut beaucoup de temps pour obtenir le véritable silence intérieur, décourageant bon nombre de néophytes gagnés par "le doute et l'impatience". L'exemple de la méditation illustre parfaitement ce sentiment de frustration. On lutte d'abord physiquement contre le fourmillement des jambes et surtout l'on est confronté à l'ennui, au stress, au sentiment de perdre son temps, à toutes les pensées parasites si difficiles à évacuer. Mais lorsque l'on commence à entrevoir le niveau supérieur-cosmique, une sensation de bien être s'empare de notre corps. En sachant que Daumal a rencontré un disciple de Gurdjieff (je vous renvoie à "Fragments d'un enseignement inconnu" de Ouspensky), on comprend mieux le message sous-jacent qu'il a voulu nous transmettre. 

Le mont analogue aurait du se terminer avec le chapitre "Et vous, que cherchez-vous ?" Voilà bien une question existentielle qui n'a pas fini d'animer l'humanité. Car à l'instar de cette ascension inachevée, la recherche d'absolu, de pureté, ne se termine jamais, et demeure l'apanage des dieux.

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