mercredi 10 juillet 2013

Le brouillard - Henri Beugras



Auteur : Henri Beugras (FRA)
Titre : Le brouillard
Editions L'arbre vengeur
Parution : 2013 (première version, 1963)


Les éditions L'arbre vengeur piochent souvent dans le passé pour nous ressortir des oeuvres inaperçues, injustement oubliées ou ignorées. En voici un exemple supplémentaire avec ce délicieux "Brouillard", unique roman d'un certain Henri Beugras. Le livre aborde de manière drôle et tragique un sujet assez peu courant, une cité-prison, qui intrigue par son étrangeté et son onirisme fantastique.


D'emblée Beugras annonce la couleur. Première page, second paragraphe, le narrateur s'adresse à toi, cher lecteur, à titre post-mortem. Celui-ci annonce que son cadavre gît sous un pont, coincé entre des pierres. Le suspense n'a déjà plus lieu d'être. On est alors en droit de s'interroger. Cela vaut-il le coup de se lancer dans l'histoire, en connaissant son dévoilement ? Assurément ! Car l'auteur manie admirablement la langue et parvient à créer une atmosphère du plus bel effet. Le lecteur se demande même au fur et à mesure de sa progression si ce premier chapitre n'était pas un chausse-trappe... Certes. Mais de quoi donc ça cause ?

L'histoire est assez simple. Isidore Duval - le narrateur - prend le train depuis Paris et n'est pas pressé d'arriver à destination. Pour éviter une mauvaise nuit dans le train, il descend au hasard à une gare afin de se trouver un bon petit hôtel. Une fois sortit de la gare, l'homme se perd au milieu d'un épais brouillard en pleine nuit. Il parvient laborieusement à trouver un centre d'accueil. Là, Isidore se coltine deux grossiers personnages qui le bassinent de questions administratives. Plus curieux, ils lui affirment qu'il n'y a aucune gare dans cette ville. Pas plus que d'aérodrome, ni de routes venant de l'extérieur. Duval reste zen, pensant que ces deux idiots lui font une blague. Plus tard, la patronne de l'hôtel en remet une couche en lui révélant que le seul moyen de quitter cette ville, c'est de mourir ! Bien sûr, quelques aventureux ont tenté de défier cette risible situation. Les malheureux ont été retrouvés morts d'on ne sait quoi à proximité de la ville. D'autres ont essayé une évasion par le fleuve, mais inlassablement, ce dernier rejetait à la ville les infâmes carcasses. 
Les habitants, dont d'incessants "étrangers" viennent grossir la cité, se sont fait pour la plupart une raison, en continuant de vivre "normalement". Ce qui n'empêche pas qu'à l'exception des novices, tous les citadins portent un masque pour camoufler leur peau dégradée, comme s'ils voulaient aussi consciemment ou non se rassurer en se disant que tout ceci n'est peut-être qu'un mauvais rêve. 

"Le brouillard" s'avère donc globalement un excellent roman mi-réel mi-fantastique, qui manie avec habileté le côté dramatique de ce piège irrationnel, en ajoutant des couches cocasses dans l'agencement de la vie quotidienne. Sur ce registre de ville-prison, je vous conseille vivement le roman Epépé du hongrois Karinthy, dans lequel un linguiste pensant atterrir à Helsinki pour participer à un congrès, est confronté à des habitants qui ne comprennent rien à ce qu'il raconte, qu'elle qu'en soit la langue. Lui est de son côté dans l'incapacité d'identifier, d'analyser la leur. Il mettra toutes ses connaissances dans la bataille afin de sortir de cette impasse. 


Voilà bien un livre qui mérite une seconde chance et un auteur qui gagne à être davantage connu. Et pour ce que vaut mon conseil : Lisez-le !


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire