dimanche 23 décembre 2012

J'étais Jack l'Eventreur - Claude Ferny


Auteur : Claude Ferny (FRA)
Titre : J'étais Jack l'Eventreur
Editions Florent-Massot
Publication : 1994 (première publication, 1956)



Claude Ferny est le pseudonyme de l'écrivain français Pierre Marchand (1906-1978). Il utilisa également le nom de Peter Marsh, comme autre nom de plume. On lui doit plusieurs pastiches de Sherlock Holmes comme "1 mort vert, 3 morts violets". Le roman "J'étais Jack l'Eventreur", publié dans les années 50, nous retrace l'itinéraire d'un tueur conscient de sa folie, éprouvant une haine féroce envers la gente féminine. 


Dans la petite ville de Chelmsford en Angleterre, Charley Dorsett vivait dans une famille protestante dans laquelle la froideur paternelle déteignait sur tout le monde. Charley éprouvait à la fois une crainte et une admiration pour les femmes. Il tomba amoureux d'une camarade de classe. Devenue distante avec lui, il envoya son seul ami pour essayer d'arranger les choses. Soucieux de connaître sa méthode, il les observa alors qu'ils se promenaient dans la nature... avant que ceux-ci ne flirtent en riant à gorge déployée. Sa haine se manifesta alors brusquement, et il sut que ces "chiennes" seraient le fruit de sa vengeance sanguinaire. Il commença par tuer sa chienne en la traînant par la laisse attachée à son vélo, jusqu'à ce qu'il n'en resta qu'un grossier morceau de chair en bouillie. Puis il massacra une vitrine de mannequins à la hache.  
Parvenant à canaliser tant bien que mal sa folie grandissante, il mena des études de médecine. Quelques années plus tard, son talent fut reconnut par ses pairs qui le nommèrent "grand couteau". Trop conscient du mal qui le tiraillait en lui, il tenta (et loupa) deux tentatives de suicide successives. Le chirurgien y vit un message divin destiné à le punir. Charley fit preuve de philanthropie  hélas, son destin était tout tracé. Il voulait des cadavres. Frais de préférence. Et quoi de mieux que le sinistre quartier londonien de Whitechapel pour en dénicher...


Partant d'une banale trahison amoureuse durant son adolescence, la dégradation progressive de l'état mental du narrateur ne cessa de s'intensifier. A ses cours de médecine, lorsque Charley échangeait avec d'autres filles de manière trop personnel, "ce n'était plus un gracieux visage de jeune fille que j'avais devant moi, mais une tête de chienne, à la langue pendante." Il était en parfaite connaissance de sa dérive dévastatrice, et fit son maximum pour la contenir (tentatives de suicide, amputation volontaire, internement psychiatrique, etc.). Ce personnage immonde nous apparaît néanmoins comme "sympathique". En effet, Charley sauva des vies de par sa profession de médecin-chirurgien, il s'engagea dans une association, et créa un prix de la vertu. Mais c'est surtout son incapacité à aimer les femmes qui nous touche, souffrant profondément de ce manque. Sur la fin de sa vie, de puissantes visions ténébreuses le hantaient, de femmes qu'il avait sauvagement assassiné : "Dans leurs longues mains aux ongles démesurés, elles tenaient leurs entrailles fumantes et sanglantes et elles m'aspergeaient de gouttelettes pourpres. La plaie de leur ventre baillait et, par instant, j'en voyais sortir des faces de démons hideux dont les cornes me menaçaient. Elles étaient toutes là, avec leurs têtes de chiennes." La dernière phrase du livre, à vocation universelle, laisse un message qui prend un sens encore plus fort venant d'un homme qui, sa vie durant, fut ravagé par ses sentiments.



Cette lecture malsaine, douloureuse et poignante, hante l'esprit du lecteur d'images morbides qui vous prennent aux tripes, tout en éprouvant une compassion - certes infime - pour ce meurtrier horrifique. Ce court roman dérangeant, inspiré d'un célèbre fait divers, brille autant par son côté humain, qu'inhumain. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire