Auteur : Charles Fort (USA)
Titre : Talents insolites
Editions Joey Cornu
Parution : 2011 (VO, 1932 à titre posthume)
L’écrivain américain Charles Fort
(1874-1932) est un personnage profondément atypique. Il passe sa vie à
collectionner des données étranges, le plus souvent rejetées par la communauté
scientifique officielle. Découpant et classant inlassablement plus de 40000
notes tirées de journaux, périodiques et publications scientifiques, il
constitue une sorte d’encyclopédie des phénomènes extraordinaires.
La parution en 1919 de son livre
le plus célèbre, « Le livre des damnés », provoque immédiatement la
controverse. Certains l’accusent d’être un dégénéré, un fou. Pour répondre à
ses détracteurs, Fort réplique avec ironie : « D’accord, j’échouerais à un examen psychiatrique… tout comme un
psychiatre probablement ». Son œuvre optient un grand succès dans le
monde anglo-saxon, avec la création du mouvement fortéen en 1931 afin de
poursuivre les travaux du maître. Cette reconnaissance ne parviendra pas jusque
dans nos contrées.
C’est par l’intermédiaire de
Jacques Bergier (pour qui mon admiration ne cesse de croître) et de Pauwels que
j’ai découvert cet étonnant individu, dans le cultissime « Matin
des magiciens », puis par certaines œuvres de Bergier publiées
dans la collection « Aventure mystérieuse »
aux éditions J’ai lu : « Les livres maudits » ; « Visa
pour une autre Terre » ou « Les Maîtres secrets du temps » sont particulièrement croustillantes.
Bergier et Pauwels réussirent à
faire découvrir Charles Fort dans les années 60-70 mais il reste aujourd’hui
encore injustement méconnu.
Charles Fort tente d’établir des
liens, de trouver des traits communs entre des faits disparates. Il va au-delà des
bâclages d’enquêtes policières ou des explications scientifiques plus commodes,
et se questionne tout en invitant ses lecteurs à en faire de même en ayant une
vision plus large de notre monde. « Me
revoilà à me poser de sottes questions, qui sont peut-être sensées ».
Selon lui, dans chaque récit se dissimule un soupçon de réel, qu’il nomme la
« réalité-fiction ». Cependant il n’oublie pas de prendre du recul
avec ses travaux en donnant des explications fantaisistes ou ironiques. Restant
constamment sur ses gardes, sa tonalité se veut délibérément sceptique. En briseur de tabous, il affirme que "nier, ridiculiser ou tenter de balayer sous le tapis les données [qu'il] défend dans ce livre, c'est assurément utile, car l'acceptation même sommaire de ce cortège infâme aurait de quoi perturber la société." Charles
Fort précise par ailleurs sa démarche : « Je n’écris pas sur le
merveilleux. Le surnaturel, le prodigieux et l’inédit, je le laisse aux
fantaisistes, aux radicaux et autres compagnons. Tous les livres sur lesquels
je m’applique contiennent des faits plutôt ordinaires ». Fait intéressant,
c’est justement son côté fantaisiste qu’on lui reproche.
Dans « Talents
insolites » Charles Fort évoque une trentaine
d’incendies de manoirs en dix mois inexpliqués ; des appendicites successives de
gardiens de prison ; des agressions suspectes ; des cas de
vampirisme ; un pensionnat anglais dans lequel 45 filles se sont évanouies
en cinq jours dont la seule explication viable trouvée fut la psychose
collective, un condamné à la pendaison impossible à pendre ; des cas d'auto-combustion spontanée, et ainsi de suite.
Saluons l’heureuse entreprise des
éditions Joey Cornu qui ont eu la lumineuse idée de rééditer les trois livres
majeurs de Charles Fort, « Nouvelles terres » venant s’ajouter aux
deux autres.
Charles Fort interpelle, intrigue
et fascine avec ses récits abracadabrantesques et sensationnels. Ce
provocateur, véritable ennemi de la science, mériterait d’être enfin connu auprès
du public, friand de faits insolites et curieux. Car sa recette a tout pour
séduire le plus grand nombre.
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