dimanche 10 juin 2012

Les âges sombres - Karen Maitland

Auteur : Karen Maitland (ANG)
Titre : Les âges sombres
Editions Sonatine
Parution : 2012 (VO, 2009)

Comparée à Umberto Eco et Iain Pears, les romans de l'anglaise Karen Maitland ont globalement reçus un bon accueil, tant critique que public. Ce second livre poursuit dans la lignée du premier (cf La compagnie des menteurs) en situant son intrigue au Moyen-Âge. Nous verrons que le résultat ne sera pas si probant qu'escompté.

Dans le courant des années 1920, un petit village du nom de Ulewic, dans l'est de l'Angleterre, va voir sa vie quotidienne basculer, entre superstitions, sorcellerie et doutes religieux. Car bien avant la construction du village, on vénérait sur les collines avoisinantes, de puissantes forces anciennes, que rien (y compris la religion) ne pouvait endiguer. Un étrange et mystérieux groupe - Les Maîtres Huants - possède des pouvoirs sur les animaux et sur les hommes. Ces individus peuvent aussi se déplacer dans l'obscurité totale. Ils portent des masques de chouette. Pour signaler à une personne sa mort prochaine, ils déposent devant la porte du condamné une chouette morte. Tandis que la lèpre frappe, la peste noire s'ajoute aux malheurs du village : l'intégralité des vaches, moutons et cochons sont abattus. Les béguines, religieuses qui vivent en communauté mais n'ayant pas prononcées de voeux perpétuels (contrairement aux monastères) sont de plus en plus mal vues par la communauté de Ulewic. Ailleurs, les Maîtres Huants ont volé le cadavre d'un enfant de cinq ans, aux dires de la vieille sorcière, quelques jours après son enterrement. Probablement pour l'utiliser lors d'un rituel maléfique...

Le roman, très documenté sur cette période historique, nous plonge admirablement dans le contexte du Moyen-Âge. Elle décrit les habitations, la pharmacopée, les croyances (par ex. l'organisation des béguines : guérisseuse, servante, etc.), les maladies (la peste et la lèpre), avec sobriété et sans accumulations inutiles de détails. Le fantastique s'immisce aussi à travers deux créatures fantastiques : la première est "Anu la Noire", une chimère mi-femme - mi-chèvre ; la seconde est "l'Owlman", un hybride homme-oiseau qui dévore les hommes et le bétail, puis que n'apparaissant que rarement. L'auteure parvient par moments à des fulgurances stylistiques, nous happant dans l'ambiance lugubre et ténébreuse. On lui reprochera cependant plusieurs choses. En premier lieu, chaque paragraphe correspond à un personnage (il y en a au moins cinq), ce qui fait que l'on se demande ce qu'il s'était passé des dizaines de pages auparavant avec le personnage en question. L'intensité ne tient pas en longueur, elle s'étiole nous rendant parfois indifférent au propos, ce qui est un poil problématique. De plus, Maitland distille par petites touches des éléments qui font que le lecteur sait que quelque chose de malsain, sous-jacent, végète, et finira tôt ou tard par éclater, cependant l'élan du récit se heurte encore une fois à cette lenteur de l'action. Les explications autour de l'animal surnaturel, L'Owlman, sont très pauvres. Vous l'aurez compris, ce roman nous laisse donc un goût d'inachevé, pêchant essentiellement par son manque de tonus.

Une fois n'est pas coutume aux éditions Sonatine, "Les âges sombres" déçoit quelque peu. On leur pardonnera cette fausse note, eu égard à leur catalogue qui fait beaucoup d'envieux (et de jaloux), chez les concurrents. Toutefois, il n'est pas exclu que les adeptes des ambiances moyennes-âgeuses y trouvent néanmoins leur compte...



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